survivre à Noël

Il y a quelques jours, j’ai fait un post Instagram intitulé « survivre à Noël » accompagné par quelques photos des jours avant et après. 

Écrivant cela, je me suis dit que m’exagérais quand même un peu (drama queen for ever), Noël n’est pas une épreuve chez nous. Nos familles ne sont pas dysfonctionnelles, tout le monde s’entend bien, tout le monde est en bonne santé. Pas de tonton bourré dès l’apéro, pas de belle-sœur rétrograde, pas de grand-mère psychorigide. Nous ne vivons pas dans un pays en guerre ni dans une zone où les droits de l’homme et de la femme sont menacés. Rien, donc, qui ne justifie ce titre racoleur. Et pourtant… Car il y a, comme toujours, un «et pourtant».

Pour que vous compreniez bien, il me faut vous expliquez nos Noëls d’avant sans trop idéaliser (exercice périlleux). Pour commencer, j’ai toujours aimé cette période qui fait suite à cet horrible novembre humide et déprimant. Le froid, les joues rouges, les lumières et le sapin qui sent bon, la recherche des cadeaux, l’excitation et la magie. Décembre est la respiration de l’hiver.

Pour notre famille c’est aussi : les départs au petit matin, les enfants encore endormis emballés dans les plaids bien chauds. Le coffre de toit chargé ras la gueule. Les km avalés pour ne pas arriver trop tard et profiter de la journée. Et le premier round à Grasse avec ceux de Jul. Les ballades sur la plage (il fait souvent chaud pour Noël sur la cote d’azur). Et le réveillon. La grande table. Ceux que l’on voit qu’une fois l’an autour de cette table justement. Le foie gras que j’ai cuit 2 jours avant et la bûche… Ah, la bûche ! Il faut savoir que je n’aime pas la bûche. Et toutes les formes de bûches ! Même si c’est mon gâteau préféré en forme de bûche, ben je n’aime pas la bûche. Et puis bien sur les cadeaux. Les ruses pour éloigner les enfants pendant que le Père Noël passe. Mes regards inquiets pour guetter les réactions des grands et des petits. Être sûre que je suis tombée juste. Et puis être ensemble tout simplement. 

Le deuxième volet a lieu à 200 km de là, le lendemain. Avec les miens cette fois. Re cadeaux (j’ai pris soin de choisir pour Jul et les enfants, un autre cadeau pour qu’ils ai aussi à « ouvrir » sous ce sapin-là). Re-regard inquiet vers ma sœur pour m’assurer d’avoir fait les bons choix. Là aussi, la tradition. Notre tradition. Le foie gras comme la veille, et puis la volaille et le gratin dauphinois. De toute façon, on a déjà plus faim depuis le tarama de l’apéro, mais c’est pas grave, c’est tellement bon. Le fromage, « prends du bleu, ça fait digérer » et l’île flottante. L’après-midi est rythmé entre playmobil à monter pour les uns, tour de kapla pour les autres et sieste pour tout le monde. On dira tous qu’on a beaucoup trop mangé. Fin de journée devant un Disney. Sur les coups de 20h, Môman dit « je fais une salade ? Oui, bonne idée. Moi, je me mets à table avec vous, mais je ne mange pas… » Ben tient, tout le monde remange. Mais j’ai déjà raconté cette histoire, il me semble. Et l’on reste là quelques jours encore pour profiter. Et puis c’est tout.

C’est très bien toute cette nostalgie dégoulinante, mais où veux-tu en venir ? On ne comprend rien à ton histoire… 

Et bien voilà, après avoir planté le décor (que je survends peut être un peu j’en conviens) je vais pouvoir vous parler du mode survit que sont pour moi maintenant les fêtes de Noël. 

Tout d’abord, il y a mes 5 longues années de dépression et mon super traitement qui ont définitivement altéré mes enthousiasmes et douché mes effusions de joie. Je sais bien que ça revient, mais je suis lucide, je ne retrouverai jamais cette joie qui me submergeai et que j’aimais tant. Je me contente de ce que j’ai et c’est déjà pas si mal. Enfin, c’est surtout mieux que ne rien ressentir du tout. 

Il y a eu ces années Covid qui ont fait tant de dégâts chez tout le monde. Viendra-viendra pas. Testé-malade ? Vacciné ou pas? Ne vous déplacez pas, ne nous embrassez pas. Mettez le masque ou restez chez vous. Et surtout, lavez-vous les mains.Vous connaissez ça aussi bien que moi.

Ensuite, Belle-maman, a vendu sa jolie maison sur les hauteurs de Grasse qui pouvait nous contenir tous. Son appartement niçois est mille fois mieux pour son quotidien. C’est elle qui vient à nous maintenant. Une année sur deux.

Et puis nous avons tous des obligations : les uns travaillent entre Noël et jour de l’an, mon beau-frère est d’astreinte, ma sœur reste avec lui et bien normal, mon grand-père à 98 ans et ne peu plus faire de grand voyage. Mes enfants ont aussi leurs vies personnelles et professionnelles. 

D’ailleurs, c’est pour ça que je pensais ne pas survivre à Noël. C’est la première fois que je célèbre Noël sans ma fille. Alors, on va évacuer ça de suite : Noël ce n’est qu’une date ! Je sais, je sais, mais en 23 ans, c’est la première fois que c’était sans elle. Depuis qu’elle est à Bordeaux (3 ans), nous avons toujours trouvé des solutions pour être avec elle. On a fait Noël à la maison pour que ça soit plus accessible pour elle par exemple quitte à nous passer de nos parents. On est allée chez elle la première année pour qu’elle ne soit pas seule.

Cette fois, elle travaillait le 24 ET le 25 décembre. Autant dire que même si l’on allait chez eux, on ne l’aurait pas trop vu quand même. Du coup, on a fait autrement. Surtout que ça tombait bien pour 2 raisons : il y avait vraiment très longtemps que nous n’avions pas fait Noël avec mes parents et comme Noël tombait un dimanche, Raph pouvait nous rejoindre. C’est d’ailleurs ce qu’il a fait et c’était vraiment sympa. On a appelé Alice en visio (vive la technologie) et mon manque ne m’a pas déchiré le cœur. Et puis, pour le coup, je redevenais « fille de » cette fois et remettre mon pyjama et mes chaussons était réconfortant. 

Car, c’est ça la question sous-jacente à cette longue logorrhée : comment apprivoise-t-on le manque de ses enfants ? 

Je pourrais demander à ma mère me direz vous, elle me répondrait avec sa vision positive de la vie « on s’habitude » tout en pensant, j’en suis sûre, « on ne s’y fait jamais ».

Je pourrais demander à mes copines. La plupart ne sont pas encore confrontés au truc. Et puis, je crie toujours haut et fort que je n’aime pas les enfants (ce qui est vrai), comment serait-il possible que brusquement j’aime les miens ? On se le demande bien.

Je pourrais accepter le temps qui passe. De vieillir… On est bien d’accord qu’il en est hors de question ? Et puis vieillir c’est quoi ? Se mettre des bigoudis ? Écouter André Clavaux ? Aller à la rando du 3e âge ? (Ah zut, ça je le fais déjà) Jul dit que c’est se bonifier, évoluer… 

Des années que j’entends qu’il me faut lâcher prise. Mais il s’agit de mes enfants ! Je n’ai jamais été une mère possessive. Je ne les ai pas faits pour me les garder. Je les ai toujours laissé partir. Découvrir ce qu’ils devaient découvrir. Vu ce qu’ils deviennent, leur autonomie, leur façon de mener leur vie, leur choix, je pense que je m’en sors pas si mal. Que nous nous en sortons pas si mal ! Nous étions deux à les élever même si j’ai assuré la majorité du quotidien seule. À moins que je me mette le doigt dans l’œil jusqu’au coude et qu’en réalité ils ont coulé après avoir longuement dérivé à l’horizon.

Mais Noël… Ben c’est Noël… Je crois qu’en fait, j’ai peur qu’ils ne reviennent pas, qu’ils ne reviennent plus jamais. C’est valable aussi pour leurs conjoints respectifs auxquels je m’attache malgré moi. Et maintenant c’est avec cette fausse idée que je dois vivre.

Bien heureusement, il a une bonne nouvelle dans tout ça : j’ai donc survécu à Noël !  Ma fille n’était pas là, mais… J’ai survécu. Parce que je me doute bien que c’est loin d’être la dernière fois. D’ailleurs, on me souffle dans l’oreillette qu’il va falloir que je m’y fasse même. 

Une page s’est tournée cette année, c’est ainsi, mais comme Noël c’est tous les ans, il y en a plein encore à écrire.

3 commentaires

  1. Amélie

    Je découvre votre blog avec ce joli billet de maman qui ressemble beaucoup à ce que je pourrais écrire : mon enfant, vis ta vie mais pas trop loin … !
    Je vais m’empresser de lire les chroniques des dernières semaines (j’adore les feuilletons) et vous souhaite une belle soirée.
    Amélie

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